Quand je faisais une niaiserie et que ma mère savait que ce serait une perte de temps de tenter de me faire entendre raison, elle me regardait en disant: « pauvre enfant », elle roulait les yeux et poussait un grand soupir.
En tant que photographe, je croise à l’occasion des gens qui me font rager tellement leurs « lacunes » sont décourageantes… je le dis ici gentiment et avec beaucoup de douceur! J’aurais toutes les raisons du monde de vouloir les étrangler et je pourrais facilement leur prouver qu’ils ont tort mais je m’épuiserais pour rien. Malheureusement, les gens qui sont dans la chnoute sont souvent incapables de s’en rendre compte. Je les regarde en me disant: « pauvre enfant ».
Incapable de se voir au naturelle
Je pense ici à cette fille avec qui j’avais fait un photo shoot il y a quelques années. Elle voulait devenir modèle et, franchement, elle avait le potentiel pour réussir. J’ai donc fait des photos où on la voit sans artifice, au naturelle. Elle n’a pas aimé les photos, elle disait qu’elles étaient trop retouchées. Je lui ai expliqué qu’il n’y avait aucune retouche, que c’était elle au naturelle. Elle était incapable de se voir « pour de vrai ».
Lorsque j’ai regardé son Instagram, j’ai réalisé que toutes les photos avaient un point en commun: il n’y en avait aucune où on pouvait voir clairement son visage. Les photos étaient floues, hors focus, granuleuses au point où on croyait voir une tempête de neige ou la fille était de dos ou de profil . Les photos que je lui ai faites étaient sûrement la première fois qu’elle se voyait clairement, pour de vrai, et… elle ne pouvait supporter l’image.
J’en ai parlé avec d’autres photographes et eux aussi ont connu pareille situation. C’est très frustrant de se faire dire que son travail est mauvais quand le vrai problème est au niveau de l’estime personnelle du modèle.
Un « fake » moi
Récemment j’ai travaillé avec un modèle en studio. Dès le début, je lui ai expliqué que je voulais de la spontanéité, du naturel. Je ne cherchais pas des photos parfaites mais des photos dans lesquelles on voit de la vie, du vrai. La modèle a accepté et durant tout le shooting, elle s’est amusée à faire la folle devant ma caméra et elle s’amusait. Lorsqu’elle a reçu les photos, elle a détesté parce qu’on la voyait faire la folle et que les images la montraient au naturelle… Pourquoi a-t-elle alors accepté de poser comme elle l’a fait en studio? Elle savait depuis le début le genre de travail que je faisais!
Lorsque je regarde son Instagram, toutes ses photos sont des mise en scène et sont travaillées pour éliminer le moindre défaut. La peau est pâlie, la forme du nez retouchée, etc. On a l’impression de voir une autre fille. Je dirais qu’elle est une victime de la génération Instagram: le naturel devient des photos ultra retouchées grâce à Facetune. Je dirais même que la vraie vie est, pour elle, la vie qu’elle présente sur Instagram. Le photographe britannique Rankin a fait une très belle expérience à ce sujet. Je vous invite aussi à regarder le documentaire « Social Animals », j’ai d’ailleurs fait un article là-dessus.
La fille souhaiterait devenir une influenceuse ou une personnalité publique. Malheureusement les gens n’achèteront pas du « fake ». Si elle veut devenir célèbre, elle devra tôt ou tard se montrer sans artifice. Si les gens ne connaissent d’elle que la « poupée » qu’ils voient sur Instagram, la journée où ils la verront « pour de vrai »… ils risquent d’être déçu, de se sentir trahis et ils la laisseront tomber.
Un p’tit cours d’initiation à l’informatique svp…
Je rencontre souvent des gens lors des ateliers que je donne sur Lightroom qui ne savent pas utiliser un ordinateur même si ils s’en servent au quotidien. En fait, ils ne savent pas comment un ordinateur fonctionne. J’ai rencontré des gens qui étaient incapables de dire si leurs photos sont sur le disque dur de l’ordinateur ou sur le disque dur externe. Des dossiers, des sous-dossiers, copier et déplacer des fichiers sont pour eux des mystères. J’ai arrêté de compter le nombre de fois où on m’a dit: « mes photos ne sont pas dans l’ordinateur, elles sont dans Lightroom! » Alors forcément, quand ils m’ont demandé de leur expliquer comment exploiter le module “Bibliothèque” de Lightroom, je n’ai jamais été capable de leur faire comprendre quoi que ce soit. La bibliothèque de Lightroom est un interface pour gérer les fichiers et les dossiers de l’ordinateur via le logiciel Lightroom.
Maintenant lorsque quelqu’un me demande de lui expliquer la bibliothèque de Lightroom, je lui fais passer un petit test. Si je vois que la personne ne sait pas utiliser un ordinateur, je lui dis d’aller prendre un cours d’initiation à l’informatique. Je vais peut-être froisser son égo mais au moins on ne perdra pas notre temps et elle ne gaspillera pas son argent.
Quand on fait beaucoup de photos, les fichiers s’accumulent rapidement et on doit régulièrement éliminer ceux dont on n’a plus de besoin afin de faire de la place pour les autres. La seule façon de pouvoir faire ça sans problème est d’avoir un disque dur bien gérer avec des dossiers et sous-dossiers. Sans ça, les photos vont s’accumuler pèle-mêle et lorsque vous tenterez de faire le ménage, vous ne saurez pas par où commencer et je vous assure que vous effacerez de précieuses photos.
Je prends la peine ici de parler de ces « illettrés » de l’informatique car ils sont nombreux et je suis persuadé qu’il y en a parmi vous chers lecteurs. Si vous vous reconnaissez, allez prendre un cours d’initiation à l’informatique. Pas juste pour pouvoir utiliser Lightroom mais pour tout ce qu’on peut faire avec un ordinateur.
La crisse de visibilité
Combien de fois m’a-t-on offert de me payer avec de la visibilité? On ne paye pas son loyer avec de la visibilité! Mais si on tient absolument à vous payer avec de la « visibilité », dites à votre client d’utiliser ce « calculateur de visibilité« .
Les filtres Instagram
Lorsque je dis dans le model release que je fais signer aux modèles qu’elles n’ont pas le droit de retoucher les photos, ça inclus les filtres Instagram! Ou les filtres Snapchat….
Le model release
Il y a des modèles qui n’ont pas voulu travailler avec moi parce que je demandais qu’elles signent un model release. Certaines m’ont dit que jamais les photographes « professionnels » avec qui elles avaient travaillés ne leur avaient fait signer un tel document.
La loi oblige les photographes à faire signer un model release. Les professionnels le savent très bien. Le document sert à protéger le photographe mais aussi le modèle. Dans le document, il doit être expliqué clairement comment les photos vont être utilisées. Aux modèles qui lisent peut-être cet article: si vous n’avez jamais signé de model release, le photographe peut utiliser les photos sur des sites porno et vous n’aurez aucun recours. Le photographe peut aussi très bien exploiter commercialement les photos – autrement dit: faire de l’argent avec votre image – sans vous donner un sou. Le modèle pourrait aussi poursuivre le photographe en disant qu’il n’a pas l’autorisation d’utiliser les photos.
Ça fait du bien de faire sortir le méchant! Merci d’avoir lu mes coups de gueule… il fallait que je le dise à quelqu’un! Lorsque je partage mes péripéties avec vous, je le fais en tentant de rendre ça éducatif. Je veux que vous appreniez quelque chose en lisant mes palpitantes aventures.
Les leçons à retirer des anecdotes de cet articles sont:
- Avant de travailler avec un modèle, regardez son compte Instagram. Si il n’y a aucune photo où on la voit clairement au naturel, méfiez-vous. Il y a de forte chance qu’elle n’aimera pas les photos que vous ferez. Elle n’a pas besoin d’un photographe mais d’un thérapeute…. Mais ça, vous ne lui dites pas!
- Lorsqu’on fait de la photo numérique, il faut d’abord savoir utiliser un ordinateur!
- Ne jamais travailler en échange de visibilité! C’est toute l’industrie de la photographie qui en pâti.
- Toujours faire signer un model release! C’est la loi qui l’oblige. Seuls les amateurs n’en font pas signer.