Le rythme fou du numérique

Depuis que je suis en numérique, je peux photographier autant que je veux.  Je n’ai pas à acheter de film, de produits chimiques et de papier photo.  En 5 ans, ma photographie a évolué comme jamais je n’ai pu la faire progresser lorsque je travaillais avec du film.  En photographiant tous les jours, forcément j’évolue à la vitesse Grand V.  Pour vous donner une idée de ma productivité, j’estime qu’en 2 ans j’ai fait autour de 10000 photos.  Le numérique m’a permis de m’émanciper du problème de l’argent mais aussi de la contrainte du temps.  Je me souviens d’avoir passé des soirées entières en chambre noire pour faire 4 ou 5 tirages.  Maintenant, en une soirée, je peux créer un portfolio de 15 photos.  Finalement il y a toutes les possibilités de traitement que nous offre le numérique. J’ai maintenant accès à un langage visuel qui n’existait pas à l’époque.  Ma créativité peut donc s’exprimer sans limite!  Honnêtement je ne crois pas que j’aurais atteint la maturité photographique que j’ai aujourd’hui si j’avais travaillé avec du film.

Ensuite il y a les possibilités de diffusion que m’offre le web.  J’ai 459 abonnés sur mon compte Instagram. Évidemment ce n’est pas tous ces gens qui regardent fidèlement mon travail…  Toutefois jamais je n’ai eu, à l’époque du film, des fidèles qui se donnaient le trouble de venir voir mes photos.  Pour un artiste, savoir que des gens « veulent » voir notre travail est enivrant.  Pouvoir diffuser librement mes photos et recevoir chaque fois des « likes » et des commentaires positifs… wow!

Toutes ces choses mises ensemble font qu’aujourd’hui je photographie compulsivement.  J’ai « besoin » de photographier.  C’est presque devenu une drogue.  Si je ne touche pas à ma caméra pendant quelques jours, je suis « en manque ».  Lorsque je regarde l’ensemble de mon travail, j’en suis fier.  Mais en même temps, j’ai parfois l’impression de faire des photos comme on fait de la saucisse : une après l’autre, elles ont toutes la même saveur.

On ralentit!!!

Je me souviens lorsque je travaillais avec du film que je prenais le temps de me questionner avant d’appuyer sur le déclencheur.  J’avais déjà fait le calcul avec un directeur photo : chaque fois qu’on cliquait, ça coûtait 0,25$. Lorsque je n’avais pas de projet concret en tête, je ne faisais pas de photo; j’attendais d’avoir l’inspiration.

J’essaie de ralentir la cadence, d’avoir quelque chose à dire pour faire une photo.  J’essaie de revenir au rythme de travail que j’avais à l’époque de l’argentique. Pas facile quand on tente de devenir un influenceur sur Instagram car je dois nourrir mon fil Instagram.  Pour ne pas sombrer dans les abîmes de l’oublie, je poste 3 fois par jour; moins que ça et la visibilité va chuter.  On peut dire que les algorithmes des réseaux sociaux tuent la création artistique.  Aucun artiste, aussi génial soit-il, ne peut créer trois chefs-d’oeuvres par jour!

J’ai une petite stratégie pour séparer les « vraies » photos de la saucisse.  Lorsque j’ai une série d’images sur laquelle j’ai longtemps travaillée, j’en fait un petit événement.  Je poste un « teaser » pour annoncer aux gens que des « vraies » photos s’en viennent et quelques jours plus tard, je les publie.

Toutefois, je dois admettre que j’aimerais bien ralentir la cadence et travailler comme « à l’époque ».  Parfois j’ai le goût de me remettre au film.  Je m’ennuie de la chambre noire et de la magie de voir apparaître l’image sur le papier photo lorsque le tirage est dans le révélateur…

2 réponses pour “Ce besoin de photographier”

  • Beau témoignage, bien senti et combien vrai: la photographie en mode numérique a changé l’industrie et l’acte de création de l’artiste.

    • Bonjour, pas facile d’ admettre constamment qu’ avant c’ était mieux. C’ était différent, c’ est tout.
      Personnellement, je bénis le numérique, qui permet une frénésie créative sans aucune mesure. Je ne regrette pas les heures passées au labo. à se pourrir la vie pour tenter de rattraper un cliché qu’ attendait le directeur de publication…
      De fait, je me sens très nettement plus créatif depuis que les appareils et logiciels font quasiment tout pour vous. N’ y voyez pas contradiction !

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