L’importance de nourrir sa créativité

Un problème qui revient souvent me hanter est le “tournage en rond”.  J’ai l’impression d’avoir tout fait, tout essayé et je ne sais plus quoi faire comme photo.  Je me répète.  Quand je suis dans ce bourbier, une visite dans un musée ou une galerie d’art s’impose!  Peu importe ce qui est exposé: peinture, dessin, sculpture, whatever.  Et si c’est de la photo, tant mieux!  L’idée ici est de voir comment d’autres artistes voient et interprètent les choses que je cherche à photographier. Dans le cas d’une exposition de photos, je peux voir en plus comment d’autres manipulent les outils avec lesquels je travaille.

Récemment j’ai fait quelque chose que je n’avais pas fait depuis longtemps: je suis allé nourrir mon moteur artistique au Musée des Beaux-arts. En ce moment, la collection Lazare est exposée.  Voir toutes ces photos de grands maîtres est une belle leçon de photographie.  Il ne faut pas seulement se contenter de les regarder, il faut aussi les questionner et les analyser.  “Qu’est qu’il y a dans cette photo qui a convaincu quelqu’un de dépenser des milliers de dollars pour l’acheter?”  “Pourquoi est-ce que des années après avoir été faite, un musée juge qu’il est toujours pertinent d’exposer la photo?”

Photographe: Laurence von der Weid

Les leçons de la collection Lazare:

 

  • La perfection technique n’est vraiment pas essentielle

Croyez-le ou non plusieurs photos exposées ne sont pas nettes, la mise au point n’est pas bonne!  Pourquoi alors sont-elles sur le mur d’un musée?  Parce que leurs valeurs émotionnelles sont très fortes.  Parce qu’on comprend clairement le message derrière la photo même si elle est un peu floue ou sous-exposée.  Aujourd’hui on n’entend parler que de résolution (il y a des rumeurs que Canon prépare une caméra de 100 mégapixels!), du piqué des objectifs et de la sensibilité du capteur (pour qu’on puisse photographier dans l’obscurité totale…)  La majorité des photos exposées ont été faites avec des caméras et des objectifs de merde et avec des émulsions tellement peu sensibles qu’on devait utiliser des temps d’exposition de plusieurs minutes en plein soleil. Et pourtant les photos sont dans un musée…  Ce ne sont pas les caractéristiques techniques qu’on retrouve derrière la photo qui font que l’image est bonne ou non.  C’est l’émotion qu’il y a dans la photo qui compte et rien d’autre.

Photographe: Dorothea Lange

 

  • Le sujet principal est clairement visible

Vous allez dire qu’il s’agit d’une évidence toutefois lorsque je regarde les photos postées sur le web, souvent je n’ai aucune idée de ce qu’on veut me montrer.  C’est quoi votre sujet?  Montrez-le nous clairement et laissez faire le reste! La meilleure façon de bien photographier son sujet pour qu’il soit clairement visible est tout simplement de s’approcher.  Aussi, plus on est proche, plus on verra l’émotion.  La proximité physique entre le photographe et le sujet fera que le photographe “ressentira” son sujet et par conséquent la charge émotive sera plus forte dans l’image.

 

  • Aucun photographe ne tente d’expliquer sa photo

Il n’y a aucun texte qui accompagne les photos et les légendes sous les photos sont un titre et non pas l’explication de la photo.  Je vois beaucoup de gens poster des photos accompagnées d’une légende qui se veut un jeu de mots stupide ou une description de ce qu’on doit voir dans la photo.  Sans cette légende, la photo n’a aucun sens.  Vous faites de la photo, pas de la poésie!  Montrez les choses, ne les expliquez pas!  Ne passez pas plus de temps à trouver un jeu de mots pour accompagner la photo que de temps pour faire la photo.

La plupart des photographes dont on peut voir les œuvres au musée sont décédés.  Leurs explications entourant la photo ont été enterrées avec eux.  Il ne reste que leurs images.  Si leurs photos sont aujourd’hui dans un musée et toujours appréciées des gens, c’est parce que les photos disent tout.

Photographe: Saul Leiter

 

  • Les thèmes sont universels et intemporels

Si aujourd’hui nous pouvons apprécier le travail des photographes exposés au musée, c’est parce qu’on peut se reconnaître dans leurs photos (je vous invite à lire mon article sur Robert Doisneau).  On voit, dans leurs images, des lieux qu’on a déjà fréquentés, des objets qu’on manipule au quotidien, des situations qu’on a déjà vécues.  On peut faire de très belles photos avec des sujets très spécifiques à une région, une époque, une culture, etc.  Mais est-ce que quelqu’un qui ne provient pas du milieu va pouvoir comprendre la photo?

Si vous souhaitez photographier des choses “spécifiques”, pensez à faire des photos plus “universelles” qui permettront de donner un contexte aux autres.

 

Le plus important dans tout ça

Ce que je souhaite que vous reteniez de cet article est qu’en tant qu’artiste, vous devez nourrir votre créativité. Allez voir des expositions, regardez comment les autres expriment ce que vous tentez d’exprimer. En tant que photographe, montrez les choses, montrez des émotions, n’expliquez rien.  Laissez vos photos parler.

 

L’exposition « Collection Lazare – États d’âmes, esprit des lieux » est présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal du 28 novembre 2018 au 28 avril 2019.

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